Les droits reconnus aux élus de l'opposition
DÉMOCRATIE LOCALE
LES DROITS RECONNUS AUX ÉLUS DE L’OPPOSITION
L’ESSENTIEL
◗ Les droits reconnus
aux élus de l’opposition n’ont cessé d’être renforcés, notamment par la loi n°2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité.
Ils sont en outre protégés par une jurisprudence relativement abondante sur le sujet.
◗ De manière synthétique, ces droits visent à permettre aux élus locaux de l’opposition de participer pleinement aux travaux de l’assemblée délibérante (I), de disposer des moyens nécessaires à leurs activités (II) et en- fin, de s’adresser aux administrés (III).
◗ Ces droits sont peu développés dans
les communes de moins de 3500 habitants.
Ils sont en revanche d’autant plus nombreux et précis que la commune est de taille importante.
Tout comme leurs collègues de la majorité, les élus de l’opposition participent à l’élaboration des dé- libérations de leur collectivité, et ce grâce à plusieurs moyens.
I. Participer aux travaux de l’assemblée délibérante
1. Participation au conseil municipal
Le délai de convocation est fixé à trois jours francs dans les communes de moins de 3500 habitants et à cinq jours francs dans les autres. Afin d’assurer une participation effective, le Code général des collectivités territoriales (CGCT) impose que, dans les communes de 3 500 habitants et plus, tous les conseillers soient préalablement informés des affaires portées à l’ordre du jour, par le biais d’une note, résumant les principaux points et précisant l’ordre du jour, qui leur est préalablement envoyée (article L.2121-12 du CGCT).
Dans les communes de moins de 3500 habitants, les conseillers ont le droit de se faire communiquer, s’ils en font la demande, les documents nécessaires à leur information sur les projets en discussion. En cours de séance, les élus s’expriment sur les affaires portées à l’ordre du jour et mises en discussion, sous le contrôle du président de la séance, à savoir le maire, le président du conseil général ou le président du conseil régional. Si cette prise de parole est un droit accordé à tout conseiller, son temps de parole sera néanmoins raisonnablement apprécié par le président de séance ou, le cas échéant, régi par le règlement intérieur de l’assemblée (CAA Versailles, 30 déc.2004, Commune de Taverny). Les élus peuvent en outre adresser des questions orales ayant trait aux affaires de la commune, du département ou de la région (art. L.2121-19, L.3121-20 et L.4132-20 du CGCT). La fréquence, la présentation et l’examen
de ces questions sont soumis aux dispositions du règle- ment intérieur dans les communes de 3 500 habitants et plus (art. L.2121-19 CGCT). Les réponses apportées ne constituent pas une décision au sens propre du terme et ne sont pas soumises au contrôle de légalité du préfet.
2.Propositions et amendements
Les conseillers disposent d’un droit de proposition : elle doit porter sur les affaires de la collectivité et relever de ses compétences. Ils ont également un droit d’amendement des délibérations examinées : la légalité d’une délibération est en ce sens soumise à la possibilité qu’ont eu les conseillers d’amender le texte et d’en débattre (CAA Paris, 12 février 1998, Tavernier). Toutefois, un amendement ne pourra être valablement accueilli que s’il existe un lien direct entre cet amendement et le texte auquel il prétend se rapporter (CE, 31 juillet 1996, Tête). A l’inverse, il ne sera pas recevable lorsqu’il vise une délibération insusceptible d’être amendée, comme c’est le cas d’une délibération relative à un contrat par exemple (CAA Lyon, 12 juillet 2001, Narbonne).
3. Enregistrement des séances
Les conseillers municipaux de l’opposition peuvent enregistrer (CE, 25 juil. 1980, Sandré, n° 17844) et diffuser les séances de l’assemblée délibérante, y compris sur un site internet, leur blog ou celui de leur groupe politique par exemple. La principale limite à cette faculté tient aux pouvoirs de police accordés aux maires et prési- dents du conseil général ou du conseil régional. Ceux-ci peuvent en effet interdire l’enregistrement d’une séance de l’assemblée lorsque cela nuit au bon déroulement de la séance. La mesure doit alors être proportionnée aux troubles engendrés. Dès lors, un arrêté interdisant, de manière générale et permanente, l’usage d’un magnétophone est illégal (CE, 2 oct. 1992, Cne de Donne- ville, n°90134). L’est également la décision qui soumet l’enregistrement d’une séance d’un conseil municipal à autorisation préalable (TA Nice, 5 mai 2008, Bovero, n°0605458). Naturellement, cette faculté ne s’applique pas aux séances se tenant expressément à huis clos.
II. Disposer des moyens nécessaires
1.Attribution d’un local
L’attribution du local est un droit et n’est pas conditionnée à l’appréciation du maire (TA Lille, 16 février 1994, Joly c/ Commune de Wattrelos); ce dernier étant tenu d’y satisfaire dans un délai raisonnable suivant la demande des conseillers (CE, 28 janvier 2004, Commune de Pertuis).
Le refus injustifié d’un maire d’accorder un tel local peut faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir auprès du tribunal administratif.
et de moins de 10000 habitants, l’attribution d’un local est effectuée, dans la mesure de sa compati bilité avec l’exécution des services publics, soit
de manière permanente, soit de manière temporaire. Dans les communes de plus de 10000 habitants, le droit à un local permanent est ouvert.
La répartition de l’usage du local entre les différents conseillers de l’opposition, appartenant à des groupes différents, est fixée d’un commun accord ou, à défaut, par le maire en fonction de l’importance des groupes (règlement intérieur). Si l’aménagement de ce local doit permettre une utilisation conforme à son affectation, les maires disposent d’une large latitude pour l’équiper en matériels divers destinés à aider le travail des élus. Il doit néanmoins préserver une égalité de traitement des conseillers.
III. Communiquer
1.Bulletin d’information générale
Depuis la loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité, dans les communes de 3 500 habitants et plus, lorsque la commune diffuse, sous quelque forme que ce soit, un bulletin d’information générale sur les réalisations et la gestion du conseil municipal, un espace est réservé à l’expression de l’opposition. La loi vise toute publication d’une collectivité dès lors qu’elle a une visée informative et qu’elle s’adresse à un large public et non à un public restreint.
La périodicité de cette diffusion importe peu dans cette optique. Le juge administratif a ainsi considéré que «toute mise à disposition du public de messages d’infor- mation portant sur les réalisations et la gestion du conseil municipal doit être regardée, quelle que soit la forme qu’elle revêt, comme la diffusion d’un bulletin d’infor- mation générale » (CAA Versailles, 27 août 2009, Cne de Clamart, n°08VE01825). En l’occurrence, il en a déduit qu’un bilan de mi-mandat doit être regardé comme un bulletin d’information générale au sens du CGCT, quand bien même aucune périodicité n’est envisagée.
De même, il a été jugé que le document qui invite les habitants de plusieurs cantons d’un département à participer à des réunions publiques relatives aux priorités et aux enjeux de l’action de son conseil général, ainsi qu’aux conséquences des réformes fiscales et territo- riales en cours, doit être regardé « eu égard à son conte- nu et à l’importance de sa diffusion, comme ayant la nature d’un bulletin d’information générale au sens des dispositions de l’article L.3121-24-1 précité du CGCT; que le département était donc tenu, en application de ces dispositions, de prévoir dans ce document un espace pour l’expression des groupes d’élus » (TA Besan- çon, 3 février 2011, n° 1000546).
3.Groupes d’élusLa constitution de groupes d’élus est prévue par l’ar- ticle L.2121-28 du CGCT pour les communes de plus de 100000 habitants. Le conseil municipal peut alors leur octroyer «un local administratif, du matériel de bureau et prendre en charge leurs frais de documenta- tion, de courrier et de télécommunications ». En outre, le maire peut leur affecter une ou plusieurs personnes. S’agissant des départements et des régions, ce droit est reconnu aux groupes d’élus de l’opposition (ar- ticles L.3121-24 et 4132-23 du CGCT).
ASAVOIR
Opposition. Le conseiller n’appartenant pas à la majorité municipale est l’élu (quelle que soit sa liste d’origine) qui «exprime publiquement sa volonté, pardelà des désaccords purement conjoncturels ou limités à un sujet particulier, de se situer de façon pérenne dans l’opposition» (CAA Ver sailles, 13 décembre 2007, n° 06VE00383).
Vote en conseil municipal.
Les élus de l’opposition peuvent contraindre la majo rité à procéder à un scrutin secret s’ils rassemblent
au moins un tiers des membres présents. L’op position peut également exiger un scrutin public
si elle rassemble un quart des membres présents
(art. L.212121 CGCT).
Commissions. Dans les communes de plus de 3500 habitants, la composition des différentes commissions, y compris les commissions d’appel d’offres, doit respecter le principe de la représen tation proportionnelle pour permettre l’expression pluraliste des élus au sein de l’assemblée communale (art. L.212122 CGCT).
3.Espace réservé
Un espace doit être réservé dans chaque bulletin d’information générale (CAA Versailles, 17 avril 2009, Com- mune de Versailles, n°06VE00222).
Pour respecter les dispositions du CGCT en la matière, il faut encore que l’espace dédié aux élus de l’opposition soit suffisant et équitablement réparti (TA Nice, ord. réf., 15 décembre 2008, Commune de Menton c/ Mme P. Gérard et «Menton Démocratie», n°0806670), ce qui sera le cas lorsqu’il permet aux élus de l’opposition de défendre leur position. Dès lors, un espace qui correspondrait à un cinquième de page, soit sept cents signes, ce qui laisse aux élus de l’opposition cinq lignes sur les trente-cinq pages de la publication est insuffisant et ne permet pas de se conformer aux dispositions du CGCT. Il a été jugé que cet espace, réservé aux élus de l’opposition, ne devait pas être ouvert aux élus de la majorité (TA Rouen, 24 mars 2005, Poilvé c/ Commune de Saint-Valéry-en-Caux). Toutefois, il a été jugé depuis qu’une commune peut valablement accorder une demi- page pour les élus de l’opposition au sein d’une page intitulée «Tribune politique» d’un journal municipal, où s’expriment donc également des élus de la majorité (CAA Marseille, 16 décembre 2010, Commune de Mont- pellier, n°08MA05127).
4.Le contenu des propos
Le contenu ne doit être ni diffamatoire ni injurieux conformément aux dispositions de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. Il peut donner lieu à un droit de rectification et à un droit de réponse notamment. Les propos diffusés doivent également porter sur les affaires relevant de la compétence de la collectivité à laquelle ils appartiennent, cette obligation semblant toutefois assez largement interprétée.
5. Internet
La réglementation précitée régit la mise en ligne de bulletins d’informations sur les sites internet des collectivités locales ainsi que le contenu qu’elles affichent sur les différentes pages de ces sites.
Cette règle s’applique quand bien même un espace d’expression serait réservé aux élus de l’opposition dans des bulletins d’information sur support papier. Statuant sur le site internet d’une commune, le juge a ainsi considéré que «si le site internet de la commune, qui présente notamment les actions accomplies ou futures et la gestion de la commune, reprend la plupart des informations traitées dans le magazine Versailles, il les diffuse sous une forme différente, qu’ainsi, ce site doit être regardé, eu égard à son contenu, comme constituant un bulletin d’information générale distinct du magazine Versailles; que dès lors, la ville de Versailles était tenue, [...] de réserver sur son site un espace à l’expression des conseillers n’appartenant pas à la majorité municipale » (CAA Versailles, 17 avril 2009, Cne de Versailles, n° 06VE00222).
Une tribune appelant les électeurs à voter pour un candidat à des élections locales pourra être analysée, eu égard à son contenu, comme une propagande en faveur de ce candidat et par conséquent prohibée par les dispositions du Code électoral (CE, 3 juillet 2009, Mme Aminata B., n°322430).